LA BENEDICTION, UN AUTRE NOM DE LA GRACE

LA BENEDICTION, UN AUTRE NOM DE LA GRACE

D’UNE BÉNÉDICTION « POUR SOI » À UNE BÉNÉDICTION OFFERTE .

Alors qu’on affirme que pour le salut seul Jésus-Christ est agissant, la bénédiction permet une action importante des croyants, appelés à « être une bénédiction » pour les autres. La tentation de la bénédiction est de vouloir la capter pour soi, d’en faire son bénéfice. Ce combat pour soi et ses privilèges est magistralement présenté dans une bénédiction particulière, celle de Jacob… sur plusieurs générations (Gn 27ss) !

Une première étape pour approcher la grâce par la porte de la bénédiction est l’étape anthropologique : la bénédiction pourrait-elle être une expérience accessible à tout être humain, antérieurement à l’expérience croyante ? Nous faisons le pari que cela est possible, puisque la réalité de la bénédiction rejoint aussi la réalité de la condition humaine : personne ne peut se bénir soi-même, tout comme personne ne se donne la vie et un nom à soi-même ! Dans les deux situations, nous sommes déterminés par une parole et des actions externes, qui nous sont offertes et ne sont pas maîtrisables. Il importe donc de rechercher comment l’expérience fondatrice de se découvrir être humain né d’autrui peut ouvrir à la bénédiction.

Le théologien allemand Eberhard Jüngel évoque une expérience fondatrice partagée par tout être humain. Le jour où chaque personne prend conscience d’exister comme un « je », elle prend aussi conscience que la réalité de sa vie demeure toujours précaire et menacée par toutes sortes de contingences (maladies, malheurs et ultimement la mort). Cette prise de conscience est un choc pour tout être humain, car elle est celle du mystère du néant : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? »

La différence entre les croyants qui s’attachent à une religion est qu’ils s’adressent à un interlocuteur divin qu’il leur est possible de remercier pour ce miracle d’exister, là où des personnes athées ou sans appartenance religieuse ne peuvent remercier que l’univers, la vie ou leurs parents. Ainsi, le désir d’être béni ne part en réalité pas d’une absence, mais d’une nostalgie : celle de renouer avec l’expérience originelle éprouvée ou implicite qu’est la conscience de se sentir fondamentalement béni, de recevoir une vie arrachée au néant, voire une parole que personne ne se dit à soi-même, qui affirme que l’on a « du prix », une place dans ce monde, un chemin à accomplir qui donnera à la vie un sens. De tels besoins que l’on peut qualifier de « spirituels » sont sans conteste au moins aussi importants que les nécessités matérielles, bien qu’ils demeurent fort négligés dans les sociétés pourtant dites « développées ».

Qu’est-ce qu’une bénédiction ? Une parole « efficace » qui, en disant le bien pour une personne, le met en œuvre — sans pour qu’il s’agisse d’une efficacité automatique ! L’action efficace est à discerner, n’est pas nécessairement immédiate ni sensible, et dans la perspective chrétienne, elle appelle la foi, c’est-à-dire la confiance –, et ce, non la confiance en une force inhérente à la bénédiction elle-même, mais à celui qui en est l’origine, Dieu. La bénédiction chrétienne, dite au nom du Dieu trinitaire, est espérée comme la parole qui crée, qui relève de la même puissance que la création de la vie au commencement… mais la personne bénie est aussi appelée à la croire, à la saisir et la faire fructifier.
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